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Des Gambas made in France !

  • Photo du rédacteur: Marc Lohez
    Marc Lohez
  • 14 juil. 2022
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 juil.


Une crevette d'eau douce élevée dans le Gers
Une crevette d'eau douce élevée dans le Gers

Les Français sont particulièrement friands de crevettes : 35 000 tonnes ont été achetées cuites en 2019 pour un montant de près d’un demi-milliard d’euros1. Si les petites crevettes grises sont encore pêchées depuis des ports comme La Cotinière en Charente-Maritime, les grandes crevettes – les gambas très appréciées- arrivent congelées depuis l’Océan Indien, l’Amérique Latine ou des élevages d’Asie du Sud-Est développés aux dépens des mangroves. Il existe pourtant une production dans l’hexagone2, à la fois ancienne et en développement, de grandes crevettes asiatiques.

En France métropolitaine, l’élevage des crevettes pénéides a été maitrisée par les stations IFREMER du littoral Atlantique avant de se diffuser dans les marais ostréicoles du Médoc et de Charente-Maritime. Ces derniers fournissent aujourd’hui l’essentiel de la production métropolitaine3. L’élevage conjoint d’huitres et de crevettes impériales a participé à la reconversion d’anciens marais salants en voie de dégradation4. La présence des crevettes dans les claires est également bénéfique à celui des huitres car les pénéides limitent la prolifération des algues nuisibles. Les marais Atlantiques dépendent en général d’écloseries de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales (Palavas et Salses). Le groupe Aqualande, qui s’est diversifié au-delà du secteur des truites, contrôle ces écloseries et produit lui-même quatre tonnes de gambas dans les claires d’Orléron. Le site de Salses a mené l’an dernier une expérimentation de grossissement.

Beaucoup plus récemment, d’autres types d’élevages de gambas sont apparus : du côté des pénéides, deux jeunes sociétés et de jeunes entrepreneurs ont créé des élevages expérimentaux en Bretagne et pays de la Loire. Près de Rennes, la société Agriloops intègre l’élevage de P. Japonicus dans le cadre de l’aquaponie : les effluents des crevettes permettant une culture hors-sol de légumes. Un peu plus au sud, dans la métropole Nantaise, la société Lisaqua associe la production de pénéides à celle d’invertébrés destinés à la consommation animale.

Ces deux aventures économiques s’apparentent à la voie de développement durable appelée le « techno-garden5 », la dirigeante de Lisaqua parlant elle-même « d’écologie industrielle ». Le lancement récent d’une grande unité de production en Ile-de-France, qui va utiliser la chaleur produite par le traitement des déchets confirme cette tendance. Il s’agit cette fois de se rendre capable d’alimenter les grands marchés urbains. Agriloops de son côté a inaguré en 2025 une ferme aquacole de plus d’un hectare capable de produire des dizaines de tonnes de gambas et de légumes dans la périphérie de Rennes : "Mangrove #1"

En 2024, un nouvel acteur est rentré dans le jeu de ce type de production : il s'agit d'un pionnier de l'aquaponie, Eauzons, dont la ferme pilote du Gers fournit des gambas pour les consommateurs locaux, notamment au marché de Vic en Bigorre.



Plus proche du modèle semi-extensif des claires du littoral Atlantique, un élevage continental de crevette d’eau douce, originaire de l’Asie du Sud-Est est né il y a cinq ans dans le Gers. Machrobrachium rosenbergii est une belle crevette dont les mâles sont pourvus de grandes pinces bleues. Elle a vu son élevage se mondialiser, au-delà du continent asiatique6. Cette grande crevette aux pinces bleues est même présente dans des territoires français outre-mer, notamment en Martinique où elle côtoie d’autres z’habitants7. Mais en France, et même en Europe continentale, c’est une première. Élever une espèce des régions tropicales en zone tempérée implique une saison courte : le début d’automne, avant que l’eau des bassins ne devienne trop froide. Incapable de se maintenir dans nos eaux et de s’y reproduire, Machrobrachium rosenbergii ne représente aucun danger de dissémination d’une espèce invasive. Chaque pêche consiste en fait à vider l’un des bassins pour y récupérer les gambas. Du fait de la faible densité de l’élevage, elles ne sont nourries que par ce qu’elles trouvent dans les étangs, le milieu étant ensemencé avec du tourteau de tournesol produit localement. La dimension durable de l’élevage, s’accompagne d’une vente en circuit court. Celle-ci concerne aussi l’autre production des étangs : les crevettes parties, ils sont consacrés au grossissement des truites. Le dirigeant de cet élevage, Géraud Laval, ne souhaite pas augmenter sa production, mais souhaite diffuser ce modèle en aidant à la création d’autres fermes aquacoles. Il a ainsi créé l'Association Interprofessionnelle de la Crevette d’Eau Douce (AICED). Celle-ci organise des formation et est à l'initiative d'un programme d'optimisation en partenariat avec l'INRAE, le Syndicat Mixte pour le Développement de l'Aquaculture et de la Pêche en Pays de la Loire (SMIDAP) et l'Université de Lorraine. Des lycées professionnels de la Mayenne et de la Loire Atlantique expérimentent la production de ces crevettes. De l'autre coté de la France, des premières récoltes ont eu lieu en 2024 chez des producteurs de la Dombes et en Brenne.



Ces deux modèles d’élevages sont complémentaires : l’un disponible toute l’année pourra fournir les marchés urbains, l’autre, saisonnier, alimentera les circuits courts et les dégustations sur place, s’intégrant aux autres productions locales.


Pour en savoir plus :


sut le site :







1 Consommation des produits de la pêche et de l’aquaculture, édition octobre 2020, dir. Christine Avenin, France Agrimer 2020, en ligne https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/65202/document/STA_MER_CONSO_2019.pdf?version=1 consulté le 5 novembre 2021

2 Il existe également des élevages de Pénéides en Nouvelle-Calédonie, qui alimentent notamment le marché Japonais.

3 L’acclimatation réussie de la crevette impériale, Rungis international, en ligne https://www.rungisinternational.com/produit-de-saison/lacclimatation-reussie-de-crevette-imperiale/ consulté le 5 novembre 2021

4 Weber, Jean L'ECONOMIE D'UN SECTEUR AQUACOLE : LA CREVETTE IMPERIALE SUR LE LITTORAL ATLANTIQUE, IFREMER, 1988, en ligne : https://archimer.ifremer.fr/doc/1988/rapport-2429.pdf Consulté le 3 octobre 2021

6 New, M. B, Cultured Aquatic Species Information Programme Macrobrachium rosenbergii. Cultured Aquatic Species Fact Sheets, Dans: Division des pêches de la FAO [en ligne]. Rome, en ligne : http://www.fao.org/fishery/culturedspecies/Macrobrachium_rosenbergii/fr , consulté le 3 octobre 2019. Aux Etats-Unis, l’élevage semi-extensif, avec peu d’intrants, de ces crevettes a fait l’objet d’une étude dans l’état du Kentucky au début du siècle. Wurtz William, LOW-INPUT SHRIMP FARMING IN KENTUCKY, Macrobrachium

rosenbergii , World Aquaculture, 38(4): 44-49, 2002

7 Z’habitants ou ouassous est le nom nommé à des crevettes cuisinées localement. DEAL de la Martinique, Crustacés terrestres et d’eau douce, août 2020, en ligne http://www.martinique.developpement-durable.gouv.fr/crustaces-terrestres-et-d-eau-douce-a1494.html consulté le 3 octobre 2021. Toutefois, la crise du chlordécone a mis en péril les élevages antillais.


 
 
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