LES ENJEUX DU SORGHO (entretien avec Frédéric Guedj)
- Marc Lohez
- 30 avr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 mai

Dans les environs de Toulouse, le siège du semencier LIDEA déploie ses activités de recherche développement mais aussi ses bureaux qui pilotent des activités à l’échelle mondiale. C’est là que MiKoRiZe rencontre Frédéric Guedj, responsable développement marché pour le sorgho. Sa vaste expérience des usages mondiaux de cette céréale d’origine africaine lui permet de soutenir les initiatives de développement du sorgho pour l’alimentation humaine tout comme l’alimentation animale et les bioénergies.
Frédéric Guedj rappelle d’abord le succès mondial d'une plante à tout faire, dont les usages pour l’alimentation humaine remontent à des millénaires : le sorgho a été domestiqué en Afrique il y a 8000 an, notamment pour être transformée en bière. Le spiritueux le plus produit au monde est le Baijiu, une eau de vie distillée à partir de « vin » de sorgho. Plus fondamentalement, le sorgho est capable de répondre à des défis géopolitiques et/ou climatiques. Ainsi la fabrication de pain associant le blé et le sorgho permettrait dans certains pays de réduire ses importations de céréales panifiables, une dépendance dangereuse dans le contexte géopolitique de l’époque. Ailleurs, le sorgho va servir d’alternative à des espèces plus gourmandes en eau, une ressource de plus en plus précieuse et à la disponibilité erratique.
En Europe, environ 10% du sorgho est cultivé pour l’alimentation humaine, une proportion équivalente est transformée en bioénergie mais plus des trois quarts de la production est destinée à l’alimentation animale (porcs, volailles, pisciculture et animaux de compagnie). Cet usage explique l’essor depuis quelques décennies en France ; cette expansion se confirme avec 30% de surfaces en plus pour l’année 2024 et une progression dans des zones de plus en plus septentrionales. Comme pour bien des plantes originaires d’autres continents, cette nouvelle vague du sorgho est en fait un retour ; il a été cultivé dans le sud jusqu’aux Trente glorieuses avec notamment une transformation en… balais ! Ce retour en Métropole est d’abord lié à l’alimentation animale avec des qualités particulières ; ainsi, leur taux de protéines et leur valeur énergétique permet de faire des économies sur les rations : pour les productions porcines par exemple, cela représente 5 à 8% de charge en moins, et l’on obtient une meilleure qualité de viande ; en Catalogne, on produit des jambons avec du Sorgho et l’Espagne dans son ensemble est le premier importateur européen de cette céréale.
Mais des start-ups et des agriculteurs se tournent depuis peu vers le sorgho pour l’alimentation humaine : ces productions et ces expériences de transformations sont caractérisées par des situations de niches et le plus souvent dans le cadre d’une démarche bio. Elles tirent leur inspiration de la très grande variété des usages pour l’alimentation humaine à travers le monde. Car comme pour l’alimentation animale, il faut une demande pour engager les producteurs à se lancer dans cette aventure. Le rôle des chefs, comme souvent, est également important pour donner à cette céréale ses lettres de noblesse : En Occitanie, le chef étoilé Lionel Giraud met en valeur le sorgho dans huit préparations différentes .

Mais Frédéric Guedj tient aussi à dissiper des mirages qui peuvent se révéler contre-productifs Le sorgho n’est pas une plante miracle capable de pousser sur des cailloux. Dans sa mise en culture, il faut tenir compte des particularités : la panicule est à maturité alors que les feuilles restent vertes ; parfois une récolte tardive du sorgho grain est due à cette méconnaissance. Les tiges sont recouvertes d’une substance cireuse qui limite l’évapotranspiration à ne pas prendre pour une maladie...Son développement nécessite donc un travail de formation aux bonnes pratiques culturales bien plus conséquent que pour des céréales plus connues.
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