Une Histoire des serres, de l’Orangerie au palais de cristal
de Yves-Marie Allain, Quæ
Seconde édition 2023, 160p
Le monde des serres est un domaine fabuleux à la croisée de l’art, des techniques et de la science, marqué par un lien fort avec l’évolution des sociétés. La seconde édition du beau livre d’Yves-Marie Allain le montre bien. L’auteur, ingénieur horticole, a dirigé pendant plus de dix ans le service des cultures au muséum d’histoire naturelle, un haut lieu de l’histoire de l’acclimatation en France. On ne s’étonnera donc pas de la place centrale réservée aux serres patrimoniales du Jardin des Plantes, même si le livre offre un tour du monde des serres de l’Europe des temps modernes aux réalisations contemporaines de Singapour.
Cette découverte historique est d’abord un beau livre, illustré de planches d’époques qui montrent les réalisations au gré du parcours historique de l’ouvrage, quelques belles représentations de plantes et de fruits aussi. Il se lit comme un parcours dans un jardin parsemé d’orangers, d’ananas, d’autres plantes tropicales méditerranéennes et de cactées, de quelques « statues » dans grands homme de l’histoire de l’agronomie et de l’horticulture, d’Olivier de Serres à Louis Noisette. On rencontre également des architectes et des ingénieurs car le monde des serres a progressivement associé tous les talents.
L’histoire de ce monde commence avec les Italiens qui cherchent à protéger des plantes délicates des rigueurs de l’hiver avant de les exposer en jardin à la belle saison. On apprend la séparation longtemps floue entre les orangeries et les serres (du verbe « serrer » les plantes pour les conserver). Yves-Marie Allain montre l’ingéniosité des premiers concepteurs de serres pour capter au mieux la lumière du soleil, procurer de la chaleur au sol par la fermentation avant de tester des systèmes de chauffage. Evoquant ces temps de connaissances techniques limitées l’auteur montre le travail souvent difficile et pénible des jardiniers chargés des soins à ces plantes délicates.
Et puis vient le temps du triomphe au XIXème siècle, avec les très grandes réalisations, de plusieurs dizaines voir de plusieurs centaines de mètres de long, initiées par les Anglais maitres de cet âge industriel qui permet des cathédrales de verres à l’architecture de fer, désormais pourvues de chauffage efficace. Ce chauffage à l’eau chaude ou thermosiphon a pourtant été inventé en France. Et celle-ci n’est pas en reste pour les grandes serres, depuis les transformations successives de celles du Jardin des Plantes grâce à l’architecte Rohault de Fleury jusqu’à celles de l’ère coloniale présente dans de nombreux départements.
Palais de curiosité et de loisir, les serres sont aussi un lieu de production pour l’horticulture comme le montre l’exemple étonnant de l’ananas : les premières fructifications européennes sont obtenues au XVIIème siècle, en France à l’époque de Louis XV heureux dégustateur. Et puis avec l’âge industriel vient la production commerciale en région parisienne qui alimente les tables aisées de la capitale à la fin du XIXème siècle.
Avec le XXème siècle viennent des temps compliqués pour les serres : les grands palais de verres sont d’entretien difficile, certains sont détruits et l’image des serres se dégrade par la laideur de masse de certaines productions horticoles. Mais les serres se démocratises également avec un regain de popularité du jardin d’hiver parmi par la démocratisation des vérandas. Enfin, les grandes serres réapparaissent avec de nouveaux paris architecturaux, comme les formes géodésiques, de l’Amérique à l’Asie en passant par le Pays de Galles. Des temps modernes aux plus récentes réalisations, un beau voyage dans l’espace et dans le temps en somme.
Pour en savoir plus le dossier du n°5 sur l'acclimatation